mardi 9 juin 2015

Pourquoi Brooklyn va détrôner New York

            
                 

New York, c’est mainstream. C’est dur à dire, n’est-ce pas ? New York, la « ville qui ne dort jamais ». La Grosse Pomme. Celle qui a vécu tant de choses. Celle dont les gratte-ciels forment un ciel étoilé à eux tout seuls. Celle où Carrie Bradshaw vit tous ses déboires amoureux.


La petite note négative : New York, du rêve à l'artificialité ?



New York, me semble-t-il, est une sorte de rêve universel, une chose à voir et qu’on a parfois l’impression de connaître sans y avoir mis les pieds.
Certes, New York est une ville à visiter, avec des monuments et des musées incontournables. Mais pourtant… une fois votre petit tour touristique accompli, qu’est ce que New York vaut vraiment ?


Evidemment, je parle de cela en tant que voyageuse, non en tant qu’habitante de la ville. J’y suis allée pour la deuxième fois récemment. Et en toute honnêteté, je suis loin d’avoir retrouvé l’étincelle de la première fois. C’est peut-être vrai pour d’autres villes, mais j’avoue que j’en attendais plus de la part de New York. New York, quand même !

Tout y est cher, on paie facilement 14$ le verre de vin, les petites boutiques semblent avoir disparues au profit des grandes chaînes internationales, et le Brooklyn Bridge est tellement encombré de touristes qu’il n’y a presque plus de plaisir à marcher sur ce célèbre pont ; on a un peu l’impression de faire la queue à Disneyland.

Paradoxalement, même si elle en est le symbole, la ville n’est pas représentative des Etats-Unis. On ne retrouve pas l’accueil chaleureux présent partout ailleurs, même dans des métropoles comme Los Angeles. C’est peut-être dû à un trop plein de touristes. New York est une ville business, et cela se voit.

Alors, que fait-on quand on est déçu par Manhattan ? On traverse le pont.


Brand new Brooklyn




La ville de New York, depuis quelques années, se met au vert. Cela s’est vu avec l’aménagement de la High Line, ligne de fer aérienne désaffectée où l’on a planté des végétaux (et des œuvres d’art entre), mais également et surtout du côté de Brooklyn, la petite sœur de New York. Les quais ont été réaménagés pour en faire des parcs avec des chemins pour déambuler, des terrains de basket littéralement sur l’East River, et des étendues vertes où l’on peut s’allonger en lisant un bon livre ou jouer au frisbee avec ses amis. On respire. On est sur les quais, sans une voiture en vue, seulement la rivière et les buildings de New York.

Williamsburg, Brooklyn, NY
Brooklyn est en pleine ébullition. Ce quartier est en train de muter, il n’y a qu’à voir les bâtiments désaffectés qui seront peu à peu ré exploités pour en faire des magasins de disques ou des concept stores. Mais avant même que sa transformation ne soit terminée (si l’on peut employer ce mot pour une ville…), Brooklyn est déjà une source d’inspiration : en Europe, on voit se multiplier les bars ou restaurants aux allures industrialo-chic. Ce simple fait témoigne bien du potentiel du quartier.


Brooklyn est le borough le plus peuplé de New-York, et sa superficie est de presque 183 km² : autant dire qu’il y a de quoi faire lorsque l’on vient visiter. Néanmoins, les quartiers qui se sont le plus développés pour l’instant sont Williamsburg, Brooklyn Heights, Prospect Park, et l’indémodable Coney Island.

The City Reliquary Museum

L’ambiance est assez différente de Manhattan : plus détendue, plus jeune, plus branchée. Les jolies maisons de Brooklyn Heights valent bien celles de l’East Village. Et rien de plus facile que de trouver un endroit sympa et innovant à Williamsburg, du City Reliquary (petit musée de bric-à-brac new-yorkais, avec une impressionnante collection de boîtes à pizzas) au bar qui te propose une bière à l’huître, en passant par la boutique de souvenirs artisanaux en cuir.

Et après avoir visité tous les monuments célébrissimes de Manhattan, quoi de mieux que de simplement se laisser porter par l'atmosphère, d'arpenter les rues animées au hasard ? N'est-ce pas aussi ça, le voyage ?





Crédits images :

Rédigé par Iris.

dimanche 8 février 2015

La mode, "magnat" de la culture ?




Depuis quelques temps, une idée me trotte dans la tête : j'ai l'impression que la mode, phénomène social à la fois culturel et industriel, se déploie sur la culture en général. Tenez, avez-vous remarqué que les références culturelles (musique, films cultes...) vont croissantes sur vos vêtements, ces dernières années ? Et que penser de la floraison de "Fondations [insérer une marque de luxe]" où l'art a la part belle ? La mode paraît essayer, plus que jamais, de s'associer à d'autres disciplines artistiques.

La pop-culture, référence mode


Ces dernières années, la culture populaire, ou pop-culture, semble être devenue un élément majeur dans la mode. De Disney aux Beatles, en passant par des citations de rappeurs sur fond d’œuvres d'art mythiques, cette pop-culture représente des références connues et appréciées par une grande partie de la population. Et quand je parle de la pop-culture dans la mode, je ne fais pas allusion au t-shirt représentant les Clash trois fois trop grand pour vous chiné dans une friperie quand vous aviez 16 ans (qui vous sert désormais de pyjama). Non, aujourd'hui, les marques de prêt-à-porter et de haute-couture paraissent avoir totalement adopté ces références culturelles communes.

Collection
Paul & Joe Sister X Disney


Pas plus tard que la saison dernière, Paul & Joe Sister mettait Les Aristochats (film Walt Disney de 1970) à l'honneur dans sa collection automne/hiver. Et n'espérez pas trouver les mêmes vêtements à Disneyland (j'ai vérifié), les vingt pièces de cette collection capsule ont été conçues spécialement pour l'occasion. Il y a donc une appropriation de ces "personnages intemporels", selon l'expression de Paul & Joe Sister, par la marque, dont le chat semble d'ailleurs être un motif récurrent. Cette référence à l'univers Disney, et plus précisément à des chats des films Disney, permet alors de nourrir l'image de la marque, qui reste dans la même lignée tout en utilisant des effigies connues et aimées du grand public.




Cependant, cette collaboration n'a pas toujours lieu dans les règles : la marque anglaise Topshop a récemment perdu un procès en appel face à la chanteuse Rihanna. Cette dernière accusait la marque d'avoir vendu en 2011 des t-shirts à son effigie sans son autorisation. Topshop, qui a ensuite changé l'appellation du vêtement (passant de "t-shirt sans manches Rihanna" à "t-shirt sans manches d'une icône"), a plaidé sa cause en invoquant la spécificité des lois britanniques de la reproduction de l'image, mais sans succès.


On peut se demander si la mode n'essaie carrément pas
de créer et renouveler la pop-culture.
L'image de Choupette, le chat de Karl Lagerfeld, s'est vue très plébiscitée ces derniers temps. En 2012, son propriétaire lance une collection capsule Choupette visant les "cat-lovers".
Karl Lagerfeld et Choupette
Aujourd'hui, Choupette dispose d'un compte Twitter (45 400 followers), pose dans des magazines de mode et est même devenue l'égérie de la marque cosmétique Shu Uemura à l'automne dernier.
Ainsi, comme le souligne le site de Karl Lagerfeld, Choupette est aussi connue que son propriétaire. Et par la démultiplication des supports (mode, cosmétiques, médias, réseaux sociaux...) sur lesquels elle apparaît, la petite Choupette devient une image connue du public à une large échelle ; et, on le sait, les animaux sont une
stratégie marketing du tonnerre.

L'essor des fondations


La mode ne se contente pas de s'associer à la pop-culture : les marques de luxe s'inscrivent de plus en plus dans une politique de mécénat artistique, et ce notamment à travers ces fameuses "fondations".
Cette année, la fondation Cartier pour l'art contemporain fête ses vingt ans, tandis que la Fondation Louis Vuitton a ouvert ses portes en octobre dernier, et que la Fondation Prada, établie depuis 1993 à Milan (et qui possède déjà une antenne à Venise), annonce un nouveau projet de construction.

Il n'est pas rare que les grandes multinationales établissent une fondation pour promouvoir l'art. Mais il faut noter que les fondations créées par des marques de luxe (comme celles citées ci-dessus) sont les plus "incontournables". Pourquoi ?

La Fondation Louis Vuitton
La fondation Louis Vuitton s'est par exemple offerte les services de l'architecte Frank Ghery pour créer un bâtiment design, artistique en lui-même. Et si, quand a ouvert la fondation, le Centre Pompidou réalisait dans un même temps une rétrospective Frank Gehry, on peut penser que l'image que renvoie ces deux centres d'art est différente : la fondation Vuitton est définitivement marquée par Frank Gehry, qui a construit l'édifice spécialement pour la fondation. Cette dernière et l'architecte seront donc toujours liés, tandis que le Centre Pompidou passe à d'autres expositions. D'ailleurs, Frank Gehry s'est rendu à l'inauguration de la fondation, mais pas à celle de l'exposition sur son
                                                                                       oeuvre à Beaubourg.

Il semblerait que les fondations cherchent à s'associer à une image artistique et à montrer leur ouverture d'esprit. On pourrait s'attendre à ce que les fondations de marques de luxe présente des pièces de leurs collections, pour créer une sorte de musée Vuitton, Prada, etc. Après tout, les musées de la mode existent bel et bien (le Palais Galliera, la Cité de la Mode et du Design, le Musée de la Mode d'Albi, pour ne citer qu'eux), ce qui souligne la place de la mode dans la culture, au même titre qu'un tableau de maître ou qu'une installation contemporaine.
D'ailleurs, les Beaux-Arts eux-mêmes sont une mine d'or pour comprendre l'évolution des vestiaires féminins et masculins : les peintures du Moyen-Âge, par exemple, permettent de pallier le manque de "vestiges" de tenues d'époque.

Mais dans ces fondations, n'est ce pas un monde très différent qui est présenté au spectateur, sans qu'il ait forcément rapport avec la mode ?


Par exemple, la Fondation Prada ouvrira son centre d'art à Milan avec l'exposition "Serial Classic" ("classiques en série"), conjointement à celle de la Fondation à Venise, "Portable Classic" ("classiques à emporter"). La première met en relief la copie de grands chefs-d’œuvres, et la seconde la reproduction miniature de célèbres statues antiques et sa diffusion de la Renaissance à l'époque néoclassique. Un sujet intéressant, certes, mais qui n'a pas grand chose à voir avec la mode.

Edvard Munch, Le Cri, tempera sur carton, 1893,
Musée Munch, Oslo
De même, la Fondation Vuitton va prochainement mettre en place une exposition regroupant des tableaux et sculptures d'artistes majeurs du XXe siècle, afin de mieux comprendre l'art contemporain. Le centre d'art a réussi à obtenir le prêt d'un des Cri[s] de Munch par le musée d'Oslo qui le détient. C'est un véritable tour de force, car même le Centre Pompidou avait dû se priver de l'oeuvre lors de sa rétrospective sur Munch (après plusieurs vols de ce tableau, le musée norvégien se montre réticent à l'idée de le prêter).
On en revient alors à l'opposition "fondations par de grands noms de la mode"/"centres d'art publiques et renommés".

L'avenir des expositions est-il dans ses fondations ? Peut-être attirent-elles par la diversification de l'espace qu'elles proposent : en étant à la fois centre d'art, bar, lieu de réception et que sais-je, l'institution muséale est démocratisée. Pourtant, le Centre Pompidou (et bien d'autres) propose aussi des espaces très variés.

On pourrait penser que les maisons de mode sont des philanthropes comme les autres. Mais le label est bien là, et la vision n'est pas du tout la même lorsqu'on pense aux fondations d'un Carnegie ou de Vuitton.

Ainsi, l'art s'invite (ou plutôt, est invité) dans les fondations de mode. Mais imaginons l'inverse : si déjà la Fashion Week parisienne se déroulait jusqu'en 2010 dans le Carrousel du Louvre, à quand la Fashion Week dans la Grande Galerie, au milieu des tableaux ?




Sources :
Madmoizelle
Le Point
Karl Lagerfeld
L'Express
Le Monde : 1,  2

Crédits images :
Fondation Louis Vuitton


Rédigé par Iris.

dimanche 4 janvier 2015

Benjamin-Constant, l'expo qui change


Benjamin-Constant, Le soir sur les terrasses, Maroc, huile sur toile, 1879,
Musée des Beaux-Arts de Montréal.


L'exposition "Benjamin-Constant, Merveilles et Mirages de l'Orientalisme", qui s'est achevée le 04 janvier à Toulouse, est la première rétrospective sur ce peintre français du 19e siècle. Le Musée des Augustins s'est associé au Musée des Beaux-Arts de Montréal (qui prend le relais de l'exposition) via l'organisme FRAME (French Regional American Museum Exchange) pour la mettre en place.
C'est ainsi l'opportunité de découvrir le travail tout à fait singulier de Benjamin-Constant et de ses différentes facettes. Mais le Musée des Augustins a aussi su souligner, à travers cette rétrospective, son originalité muséographique.

Le dernier éclat de l'orientalisme pictural ?


Benjamin-Constant a été très marqué par ses séjours au Maroc et s'inscrit dans le courant orientaliste de son siècle. Cependant, tout comme je parlais de Gustave Doré comme le "dernier des Romantiques", Benjamin-Constant semble être le benjamin (AHAH !) de l'orientalisme.
Si l'on se rappelle des peintures de Delacroix, d'Ingres ou des carnets de voyage de Flaubert, on constate que cette véritable mode a lieu dans la première moitié du 19e siècle. Or, les peintures de Benjamin-Constant datent de la fin des années 1870 (période où l'impressionnisme a déjà pointé le bout de son nez).

Mais l'artiste est fasciné par l'Orient, et dépeint dans son atelier paysages, harems ou scènes de vie quotidienne au Maroc. Bien sûr, son Orient est, comme chez les peintres qui l'ont précédé, totalement fantasmé. Il n'a par exemple probablement jamais pu s'introduire dans les harems, qui étaient bien gardés. Il crée alors, à partir de ses souvenirs de voyage et son imagination, des tableaux emprunts de teintes tantôt vives, tantôt rompues, en alternant précision millimétrée et flou presque impressionniste.

Benjamin-Constant, La sortie de la mosquée, huile sur toile, 1872,
Musée des Beaux-Arts de Dijon.
Le Musée des Augustins met en relief la diversité de ses techniques en accrochant par exemple La sortie de la mosquée à côté de Dans le palais du sultan. Le premier (ci-contre), se caractérise par son coup de pinceau flouté, accentuant le mouvement de la scène. En effet, l'homme sur son cheval sortant de l'édifice religieux est le point central de la composition. Tout (lignes diagonales de chaque côté, porte circulaire ouverte en arrière plan, effet de flou) semble orchestré pour converger vers ce personnage qui paraît vraiment avancer vers nous.
Benjamin-Constant, un peu impressionniste malgré lui ? Non, il ne semble pas. De plus, les deux autres œuvres qui l'entourent, présentant des intérieurs ou terrasses du palais oriental, font preuve d'une grande précision. Tous les éléments architecturaux, décoratifs, et les divers motifs géométriques qui vont avec sont représentés dans le moindre détail. Pourtant, ces toiles ne sont pas particulièrement immenses : Benjamin-Constant se montre peintre hors-pair.

La Tête de Maure qu'il peint pourrait être considérée comme une synthèse de sa technique : le visage sombre, précis, imposant de l'homme contraste avec son turban blanc et très coloré, beaucoup plus vaporeux.
Benjamin-Constant, Tête de Maure, huile sur
papier marouflé sur toile, 1875, Suisse,
collection particulière.
Mais à la fin du 19e siècle, Benjamin-Constant doit s'habituer à l'idée que l'orientalisme est passé de mode, même au Salon (rappelons qu'à l'époque, cette institution constituée d'un jury académique permettait aux artistes d'acquérir leur notoriété et surtout des commandes).

Bénéficiant de relations haut-placées sous la IIIe République, le peintre se tourne alors vers le grand décor (Salle des Illustres du Capitole de Toulouse, la Sorbonne, l'Opéra comique...) et le genre du portrait, qui est plus rémunérateur. Il maintient les principes académiques, je dirais même que sa technique flouté/précision tend à s'effacer dans les portraits qu'il réalise (cela va bien sûr de pair avec les attentes toujours classiques et académiques des commanditaires).

"Merveilles et mirages" de la muséographie


Le montage de l'exposition Benjamin-Constant au Musée des Augustins.

Pour rendre hommage au mieux à ce peintre aux multiples facettes, le Musée des Augustins a séparé l'exposition en sept sections, de sa formation académique à sa carrière de portraitiste, en passant bien sûr par son voyage au Maroc qui marquera profondément sa peinture.
La muséographie (c'est-à-dire la mise en scène de l'exposition et les médiums utilisés) m'a parue assez originale pour être remarquée.

Bon, déjà, le Musée des Augustins se trouve dans une ancienne église, avec le cloître, l'orgue et tout le reste: lorsqu'on entre, on se sait dans un lieu doublement particulier, on sort de notre sphère quotidienne.

A l'entrée de l'exposition, on retrouve ces maintenant traditionnelles façades peu épaisses montées spécialement pour chaque exposition. Bon, autant dire que cela contraste fortement avec le reste de la salle ecclésiale où le visiteur fait face à de nombreux bancs, œuvres religieuses toulousaines et un orgue toujours en place. Mais quel choix a-t-on ? Ces murs éphémères sont avant tout pratiques pour exposer les œuvres et pour créer des espaces particuliers à chaque exposition.

Le Musée a par exemple choisi de créer une salle (avec quatre murs, j'entends) pour la section "Odalisques et héroïnes" : le spectateur se trouve alors dans un espace relativement clos, mettant en abyme les scènes de harems représentées sur les murs, et permettant d'entrer plus facilement dans l'univers de Benjamin-Constant.

Le Ryhad, espace de médiation de l'exposition au Musée des Augustins.
© Photo de Daniel Martin.
Mais le point le plus remarquable de la muséographie est certainement le Ryhad.
Cet espace également plus fermé se situe au milieu de l'exposition, et se montre à la fois un point de médiation (livres sur l'orient), de divertissement (des costumes de type oriental sont mis à disposition des visiteurs, ainsi que des carnets de coloriage relatifs à l'Orient) et de repos (décor et banquette).
C'était pour ma part la première fois que je rencontrais ce type d'endroit, où l'on peut vraiment se relaxer.
Dans l'article "Le Problème des musées" (1923), Paul Valéry écrit que le visiteur d'un musée finit par ressentir des sentiments inexprimables (ennui, fatigue), et ne sait plus pourquoi il est venu : les œuvres d'un musée ne sont plus inscrites dans leur contexte. Cette idée est d'autant plus avérée de nos jours, où les expositions tendent à devenir de véritables blockbusters. Fasse à la masse d’œuvres que le musée nous présente sur un plateau, il est souvent difficile, même pour les plus férus d'art, de rester concentrés après un certain temps.
Le Ryhad de l'exposition Benjamin-Constant permet au visiteur de faire une pause, tout en gardant un pied dans l'univers orientaliste. Et même si l'on n'est pas forcément enclin à faire un selfie déguisé en sultan ou un coloriage, on peut tout simplement s'asseoir et prendre le temps de discuter avec les personnes qui nous accompagnent ou pas. Cet espace permet un échange sur ce qui a été vu, ce que l'on a ressenti (bon, on peut raconter son week-end si ça nous chante). Et lorsque l'on reprend, c'est avec un œil peut-être neuf, ou en tout cas à nouveau concentré et prêt à découvrir.

Le Musée des Augustins se veut moderne, et met à disposition des visiteurs des bornes multimédias dans quasiment chaque section. On peut ainsi compléter ses connaissances et accéder à des images non-présentes dans l'exposition (on ne peut pas VRAIMENT déplacer la Salle des Illustres par exemple...). Cela permet de compléter la rétrospective et de voir toutes les indications textuelles illustrées.


Cette exposition permet de découvrir un peintre trop souvent oublié, et surtout d'entrer dans un univers qui ne peut laisser de marbre, bien qu'il soit fantasmé. Le Musée des Beaux-Arts de la ville rose a su mettre ce dernier en valeur, à travers la muséographie, les médiums et les partenariats culturels toulousains sur le thème de l'Orient. Reste à savoir ce qu'en fera Montréal : le montage de l'exposition sera certainement différent. Si vous n'avez pas eu l'occasion de voir Benjamin-Constant à Toulouse, je ne peux que vous inviter à vous envoler pour Montréal ; et j'attends bien entendu vos retours sur l'exposition !


Exposition "Merveilles et Mirages de l'Orientalisme", du 31 janvier au 31 mai au Musée des Beaux-Arts de Montréal.



Sources et crédit photos :

Rédigé par Iris.

mardi 23 décembre 2014

Gustave Doré, peintre mal-aimé ?




Cet artiste alsacien du 19e siècle, tout le monde le connaît. Parfois sans en être conscient (même Norman porte un t-shirt Gustave Doré). Mais si, allez :


Ça va, vous le resituez ?
Gustave Doré, c’est celui qui a mis en image tous ces contes qu’on a pu nous lire quand on était enfants. Il a été un illustrateur prolifique, des contes de Perrault à la Bible en passant par Rabelais et des contes londoniens. D’ailleurs, vous ne vous en êtes peut-être jamais rendus compte, mais lorsqu’on s’imagine Londres à l’époque victorienne par exemple (la ville brumeuse, les personnages aux longs manteaux noirs, les silhouettes des usines fumantes se découpant dans le paysage londonien…), c’est à lui que l’on pense. Gustave Doré semble vraiment s’être imposé dans l’imaginaire collectif ; et cela en plus d’avoir joué un rôle majeur dans la gravure et la caricature, puisqu’on le considère souvent comme le précurseur de la bande-dessinée.

Un immense talent oublié


Gustave Doré est un artiste universel, curieux de tout. Cependant, c’est pour son talent d’illustrateur qu’il est le plus renommé.
Dans la préface de Life of Gustave Doré, son biographe Blanchard Jerrold souligne qu’il a (au moins) deux personnalités distinctes : l’auteur divise son livre en deux parties, Doré comme illustrateur et Doré comme peintre.
Cette séparation est donc lourde de sens ; on y voit un artiste « complet » (illustrateur, peintre, acrobate, et même un peu plus tard sculpteur) mais qui dont le travail et la carrière sont pourtant divisés, comme s’il avait connu plusieurs destins.
Gustave Doré, Dante et Virgile dans le neuvième cercle de l’Enfer,
 huile sur toile, 
1861, Musée de Brou, Bourg-en-Bresse.
Gustave Doré disait lui-même que son métier d’illustrateur avait pour but (comme l’indique l’emploi du mot métier, que l’on n’utilise pas pour « peintre » ou « sculpteur ») de le faire vivre. Sa grande frustration fut de ne jamais être reconnu en tant que peintre (ou alors modérément en fin de carrière, lorsque sa peinture se veut plus politique après la prise de son Alsace natale par les Prusses en 1870). 
Il réalise pourtant d’immenses toiles comme Dante et Virgile dans le neuvième cercle de l’Enfer (315 x 450 cm) ou encore Le Christ quittant le Prétoire (600 x 900cm), comme s’il cherchait à s’inscrire dans la lignée des « les grandes machines au XIXe siècle » (les grandes toiles de Courbet ou encore de Thomas
Couture).

Eugène Delacroix, La Barque de Dante, huile sur toile, 1822,
Musée du Louvre, Paris.
Gustave Doré est souvent considéré comme « le dernier des romantiques » : en peinture, ce mouvement se déroule dans les années 1820 (avec Moreau, Delacroix…), tandis que Doré entame sa carrière à la fin des années 1840. Mais cette expression, dans la bouche des critiques, est très péjorative : on reproche à Gustave Doré de faire quelque chose de dépassé, en moins bien qu’un Delacroix. Ceci dit, il faut noter la grande différence de leurs styles : peut-être parlerait-on aujourd’hui de « post-romantisme » concernant Doré ?
Toujours est-il que si Doré a connu une carrière internationale en tant qu’illustrateur, ses œuvres picturales ont été laissées de côté (en particulier en France). Des toiles, à l’instar de Dante et Virgile dans 
le neuvième cercle de l’Enfer ont même tout bonnement                                                                                         disparues. Avant d’être dispersées lors d’une vente aux
                                                                                        enchères  en 1947, elles sont restées dans un entrepôt 
                                                                                        de Manhattan durant 49 ans. 
                                                                                        

La communication contemporaine peut-elle faire reconnaître ce talent ?


Si Gustave Doré a pu être un temps oublié, l’exposition « L’imaginaire au pouvoir » qui a eu lieu en 2014 au Musée d’Orsay semble avoir réaffirmé sa place de grand artiste français du 19e siècle.
Cette exposition a en effet eu un immense succès. Mais j’aimerais revenir sur la communication culturelle mise en place pour cette exposition.
Jugez plutôt :

Qu’on connaisse Gustave Doré ou pas, qu’on s’intéresse à l’art ou que cela soit le cadet de nos soucis, on est d’accord : cette vidéo promotionnelle donne envie d’aller voir l’exposition.
La technique du cut-out (les personnages sont réalisés à partir de plusieurs parties indépendantes en papier, permettant le mouvement, un peu comme des marionnettes) est rendue pertinente par rapport à l’œuvre de Doré. Ses dessins, qui défilent les uns après les autres à la manière d’un conte illustré, prennent vie grâce au cut-out. L’artiste devient lui-même personnage, tantôt poursuivit par des monstres, tantôt protégé par des figures bienveillantes comme Dante, Virgile ou Jésus, et nous guide dans les hautes sphères de son imaginaire incroyable. Gustave Doré est mis en scène au sein de ses propres œuvres, ce qui permet au spectateur d’aborder son travail de manière globale, originale, et attirante.
L’artiste apparaît ici comme un acrobate presque héroïque, comme il a pu l'être en réalité : son arrière-petit-neveu Julien Doré (OUI !) raconte même, pour l’anecdote, que lorsqu’il organisait de grandes soirées mondaines, il s’amusait à se pendre aux lustres pour divertir ses invités.

Bref, le Musée a créé une comm’ qui marche, et qui n’oublie pas de parler de l’œuvre de Doré dans sa globalité. L’exposition regroupait d’ailleurs gravures, peintures et sculptures confondues. Mais peut-être est-ce justement là un autre facteur du succès de l’exposition. La sculpture de Doré ? Inconnue au bataillon. Pourtant elle existe. Mais ce n’est pas ce qui intéresse les gens, ou du moins ce n’est pas ce qu’ils connaissent ou retiennent de lui. Avec « L’imaginaire au pouvoir », un grand nombre d’œuvres sous différents supports ont été regroupées pour attirer le plus de visiteurs possible, mais peut-être aussi pour faire redécouvrir Doré en tant qu’artiste total. Mais cet objectif peut-il vraiment être atteint ?

Catalogue de l'exposition du Musée de Brou.
Il faut savoir qu’en 2012, le Musée de Brou, qui conserve un certain nombre d’œuvres de Gustave Doré, a organisé l’exposition « Gustave Doré : un peintre né ». Mais les moyens n’étaient pas aussi grands qu’à Orsay, et l’on ne présentait qu’un aspect du travail de Doré, celui qu’il aurait certainement voulu qu’on retienne et qu’on célèbre, d’ailleurs. Résultat de cette exposition ? On en n'a peu entendu parler.

La communication, en plus de la notoriété du musée, est un atout majeur non seulement pour le succès d’une exposition mais aussi dans l’imaginaire collectif : le Musée de Brou a voulu rétablir la place que Doré aurait dû avoir, mais l'impact de l'exposition a été moindre. Le Musée d’Orsay a présenté l’œuvre globale de l’artiste, et les spectateurs n’en retiendront que ce qu’ils voudront.

Et je ne sais pas vous, mais je parie que cela sera, toujours et encore : Doré l’illustrateur.



Crédit vidéo :
Musée d'Orsay

Rédigé par Iris.

vendredi 22 août 2014

La technique vintage, c'est hype


"Vintage is the new future" pourrait-on dire, tandis que ce concept évolue d'année en année.
Avant, il désignait principalement des vêtements rétro, qu'on peut trouver dans les fripes par exemple.

Mais maintenant, même Wikipédia le dit : le terme "vintage" se rapporte à tout objet un peu décalé, et surtout authentique ! Est-ce que les Instax mini de Fujifilm sont aussi vintage que les Polaroïds SX-70 d'époque ? (Je me permets de répondre non.)



Ce qui est certain, c'est que le vintage est à la mode. Vinyles, Polaroïds, machines à écrire, téléphones à cadran, vieilles voitures...

Autant d'objets qui n'ont rien à voir avec la dentelle, l'imprimé liberty, les cols claudine et compagnie. ça n'est pas choquant de farfouiller dans les affaires de nos grands-parents et d'y trouver des vêtements qui se portent très bien aujourd'hui. C'est le propre de la mode de se démoder et de se trouver à nouveau sous les projecteurs après quelques décennies. Mais quand il s'agit d'objets techniques, l'affaire semble plus insolite.
Impossible project x Colette


L'entreprise Polaroid, fondée en 1937, a connu son heure de gloire dans les années 1970. Le procédé du film instantané n'a pourtant pas fait le poids face au développement de la photographie numérique, et la firme s'est vu contrainte de fermer entre 2007 et 2009.
Pourtant, de jeunes hollandais ont décidé dès 2008 de mettre en place "The Impossible Project" afin de continuer à produire des films pour appareils Polaroïds. Résultat ? Un succès croissant pour ce collectif qui surfe sur la vague vintage (en témoignent les partenariats avec des boutiques branchées comme Colette et Urban Outfitters) et qui, tel une entreprise de mode, produit deux collections par an.

La nostalgie Polaroïd se fait surtout ressentir en Europe (et dans des pays high-tech comme le Japon). En vous baladant avec un de ces appareils, vous pouvez être sûrs que l'on viendra vous aborder à propos de ce dernier. Mais ailleurs, aux Etats-Unis par exemple, les gens habituellement si prompts à la discussion vous trouveront plutôt démodé. Ils ne savent même pas que la production de films pour Polaroïds est toujours d'actualité.

Même schéma pour les vinyles. Dans les années 1980, la popularité va vers les Disc Compact au détriment des disques à sillons. Pourtant, de nos jours, sans parler des petits disquaires, il suffit d'aller dans des magasins comme la FNAC pour trouver des vinyles, y compris ceux d'albums récents.
Le chanteur des White Stripes a même créé Third man Records, un label produisant uniquement des vinyles.

Bref, vous l'avez compris, la technologie d'autrefois, dans un monde l'on continue de créer des objets toujours plus "intelligents" semble prendre sa revanche.

Pourtant, en parallèle de cette mode, on voit fleurir des produits comme l'application Instagram dont les filtres vintage séduisent les gens, ou même des Polaroïds numériques. De vieilles technologies sont donc volontairement mises en avant à travers le numérique.


Mais alors, où en est-on ?
Avec ce genre d'innovations, ce n'est pas seulement le design qui entre en jeu mais la technique : on choisit par exemple délibérément de donner un aspect carré et des couleurs aux nuances inexactes à nos photos avec Instagram, alors que de nouveaux modèles de reflex, toujours plus perfectionnés, entrent régulièrement sur le marché. Est ce une question d'argent ? De complexité ? Ou bien une certaine nostalgie d'un temps que l'on n'a pas connu ?
Peut-être tout ça à la fois.


Crédits photos :
The Telegraph
Fubiz


Rédigé par Iris.

samedi 5 juillet 2014

Les conséquences kawaii des jeux de Sotchi

NB. Cet article sur les jeux Olympiques de Sochi a été composé à partir de notes prises pour un exposé ayant eu lieu en janvier. Certaines informations ont donc été ajoutées depuis.

Cette année, les amateurs de sport ont de quoi être en liesse. En plus des nombreux évènements annuels tels que le tournoi Roland Garros ou le tour de France, les téléspectateurs peuvent se pourlécher de ces événements plus rares et donc d’une importance capitale que sont la Coupe du monde du Brésil et les jeux Olympiques de Sochi. Cependant, ce véritable ciment médiatique, économique et social est lourd de conséquences pour les personnes vivant dans les pays hôtes. Cela fait 5 mois que les jeux de Sochi ont eu lieu et plus personne ne parle maintenant de cette petite station balnéaire devenue gouffre économique. Pour éviter que cela n’arrive encore avec le cas Brésil 2014, qui inonde maintenant les médias mais se noiera éventuellement dans les abysses de l’information quand un nouvel événement sportif refera surface, peut-être serait-il intéressant de se concentrer à nouveau sur le dernier événement sportif en date qui soit devenu un fiasco avéré : les jeux Olympiques de Sochi.

Tous les quatre ans le comité international des jeux Olympiques vote pour le pays qui pourra héberger les jeux Olympiques d’hiver. Cela a permis à 11 différents pays de tenir les jeux depuis les premiers jeux Olympiques d’hiver de Chamonix en 1924.
C’est un grand privilège pour un pays que de devenir l’hôte de ce grand évènement sportif international car cela l’inscrit dans l’histoire des jeux Olympiques, et héberger les jeux comporte beaucoup d’avantages tels qu’une augmentation du tourisme qui amène beaucoup d’argent dans les hôtels, transports, restaurants, entrées pour les-dits évènements, etc…
Avoir les participants aux jeux qui visitent le pays ramène également beaucoup de journalistes et de sponsors ce qui permet de construire une image positive du pays à l’international.
La création du site Olympique crée également de l’emploi pour les citoyens locaux dans des hôtels, les services de sécurité et de maintenance, etc… et aussi de nouvelles infrastructures pour l’entraînement des équipes nationales et professionnelles.
Même si ces arguments semblent justifier la construction du site Olympique, il y a de nombreux désavantages inconnus de la majorité du public.

Effets secondaires des installations Olympiques sur les populations environnantes : l’exemple du village d’Akhshtyr.

Il a fallu 5 ans de travail pour terminer l’autoroute et la voie ferrée reliant l’aéroport de Sochi jusqu’au site Olympique de montagne. Deux mines ont été ouvertes aux alentours du village d’Akhshtyr, en même temps qu’une décharge à ciel ouverte située juste au-dessus du village, répondant aux besoins du chantier. De même, des confiscations de terres sans compensations financières ont eu lieu sur la trajectoire de ces constructions. Dans ces villages à dominantes rurales, certaines personnes vendant des fruits et légumes se sont vues incapables de vendre quoi que ce soit à cause des poussières provenant de l’Avto-Olympik. Le village d’Akshtyr subissant les nombreux effets négatifs du chantier s’est aussi vu coupé de l’ancienne route le reliant à Sochi et aucune rampe d’accès à la nouvelle autoroute n’a été construite.
Sur le long terme il y a également des craintes pour la santé des générations futures à cause des poussières présentes dans l’air et de la pollution. De nombreux déchets ont aussi été cachés dans la terre ce qui a eu pour effet de contaminer l’eau et les champs alentours. La plupart des puits utilisés par les habitants pour leurs besoins en eau potable ont été détruits en 2008 à cause des chantiers. En conséquence un camion traverse le village chaque semaine pour fournir les maisons en réservoirs d’eau potable. En Novembre 2010, une nouvelle usine de traitement des eaux a été ouverte, reliée à une pompe. Mais l’usine fut fermée car elle ne respectait pas les normes de protections sanitaires, selon une lettre officielle envoyée aux habitants.

Bling Rings

Sochi est une ville au climat subtropical. Les grands chantiers visant à transformer Sochi en site Olympique ont causé de multiples dégâts collatéraux tels que des expropriations, de nombreux dégâts écologiques et une hausse de la corruption.
Le chantier avait été estimé à 12 milliards de dollars à l’origine. Le coût total est aujourd’hui estimé à 50 milliards de dollars.
Le gouvernement a dit à la population Russe que les investissements privés ont largement financé les infrastructures. Cependant, ces grosses entreprises ont reçus des crédits colossaux de la part de l’État pour effectuer ces investissements. De plus, 30% à 50% du budget visant à financer les jeux aurait été perdu en pots de vin et corruption. Et cela pour construire des bâtiments hideux (hôtels, parkings…) en lieu et place d’habitations.
La transformation de Sochi en Disneyland des jeux Olympiques fut rendue possible par plus de 70000 travailleurs, comportant parmi eux des dizaines de milliers de travailleurs immigrés. Beaucoup de ces travailleurs furent exploités, avec des employeurs ne les payant pas, confisquant leurs passeports et les forçant à travailler jusqu’à 12 heures par jour avec un seul jour de congé, tout cela étant à l’encontre des lois Russes sur le travail.


pls fuck off lol

De nombreux habitants de Sochi et alentours furent chassés de leur domicile, leurs permis de construire se voyant annuler de façon rétroactive par le tribunal. Cependant les habitations concernées furent majoritairement des habitations décrépies, appartenant à des personnes en difficulté économique. Aucune raison de raser les magnifiques maisons du centre-ville.
Le gouvernement Russe a réinstallé environ 2000 familles pour faire de la place aux infrastructures requises pour les jeux. Mais aucune de ces familles n’a reçu de compensation financière équitable pour leur propriété et, dans certains cas, des propriétaires furent chassés sans aucune compensation.
Beaucoup des résidents réinstallés ont perdu une partie de leur gagne-pain vu qu’ils dépendaient de l’agriculture ou du revenu saisonnier de la location de leur maison de bord de plage.

Bio & sans gluten

Concernant l’écologie en elle même, la Russie avait accepté le programme « Jeux en Harmonie avec la Nature », qui stipule que le placement du site Olympique doit avoir été choisi en respectant les principes du développement durable et de la protection de l’environnement. Des dispositions auraient dû être prises concernant le traitement des déchets et une politique concernant la gestion de l’eau aurait dû être mise en place. Les espaces verts pré existants auraient dû se voir élargir, et la faune et la flore, préservées. Il y a eu des discussions visant à développer les régions naturelles protégées de Sochi avec par exemple la création d’un parc ornithologique et la réintroduction du léopard perse.
Cependant depuis le début des travaux, de nombreux embouteillages asphyxient la ville et la qualité de l’air est remise en question. Le gouvernement a ainsi imposé un rationnement en essence pour limiter les déplacements.
Selon les ONG, tout cela n’est que du greenwashing : il serait impossible de recréer un écosystème pré-existant. Les conditions naturelles complexes de ces régions se sont vues altérées de manière définitive. Des décharges à ciel ouvert ont été étalées à quelques mètres du village Olympique. Il y en aurait environ 1000 autour de Sochi car il n’y a pas de structures permettant de trier et traiter les déchets qui finissent tout simplement dans des rivières telles que la rivière Mzymta qui fournit la ville en eau potable. 
La transformation de son lit et de ses berges permettant d’ériger des autoroutes et des pistes de ski Alpin ont perturbé son écosystème. Toutes les rivières passant par Sochi sont maintenant polluées. Les risques de glissement de terrain sont désormais importants, aux côtés des risques d’érosion, d’inondation et de sécheresse.
En plus de cela le parc Olympique est au centre d’un parc ornithologique où les oiseaux migrateurs viennent se reposer. Un démographe a annoncé que cela avait à coup sûr tué une bonne centaine d’espèces en voie d’extinction. Evegueni Vitchko, écologiste, a été condamnée à 3 ans de prison après avoir sorti un rapport condamnant l’impact de Sochi 2014 sur l’environnement.

Pas très très longtemps après

L’économie plonge, la croissance économique a été de 1,4% en 2013. La production industrielle, les exportations et investissements internes sont au négatif. Le gouvernement semble incapable de redémarrer la croissance : les capitaux fuient le pays, d’importantes réformes structurelles sont reportées, et la politique de Poutine censée augmenter les dépenses sociales creuse un large déficit dans le budget des régions. L’expansion de crédits disponible pour la population semble impossible à ce moment. 
Les investissements des jeux, énormes, semblent difficiles à rentabiliser. Certains bâtiments sont censés être ré-utilisés plus tard par des ligues sportives. Mais selon un rapport écrit par deux opposants Russes, la plupart des installations Olympiques resteraient inutilisées après les Jeux à cause de frais de maintenance exorbitants, beaucoup de structures se verront ainsi progressivement détruites.
Beaucoup de groupes privés poussés par l’État à investir d’énormes montants d’argent dans les jeux demandent maintenant de meilleures facilités de crédits de la part de la banque publique, ce qui a été refusé par le Kremlin. Mais une clause spécifie clairement que si les emprunteurs se voient incapables de rembourser les structures, l’État est en obligation de les reprendre, aussi peu rentables qu’elles soient.
Les appartements construits pour les jeux seront durs à louer ou à vendre vu que le marché immobilier était déjà inondé avant les jeux.
Avec son nouvel aéroport international et son nouveau port, Sochi espère attirer plus de touristes, principalement Russes, parmi lesquels une grosse partie préfère aller dans des destinations plus abordables telles que l’Égypte et la Thaïlande.
En montagne, les hôtels de luxe construits pour les jeux vont attirer de riches clients qui skient maintenant en pays étrangers et dans des stations européennes. Mais si de nouveaux clients n’arrivent pas assez vite et assez régulièrement, l’opération Sochi 2014 pourrait finir par devenir un gouffre financier pour la Russie.


Pour résumer, les plus gros abus de la Russie concernant les jeux Olympiques :
- Les jeux les plus chers de l’histoire des jeux Olympiques.
- Abus contre les résidents de Sochi et de ses environs, et contre les travailleurs immigrés.
- Destruction de l’écosystème.


Le comité Olympique international a pressé la Russie à stopper ces abus qui violaient les principes de « dignité humaine » et les lois anti-discriminations de la charte Olympique, et travaille maintenant à empêcher des abus similaires dans les villes qui hébergeront les jeux Olympiques dans le futur.



Rédigé par Pierre.

mardi 1 juillet 2014

La littérature autrement


Du 26 au 29 juin, Toulouse organisait Le Marathon des mots, qui pour sa dixième édition mettait à l'honneur de nombreux écrivains turques. Mais pas seulement.
Durant ces quelques jours, de nombreux événements artistiques et littéraires sont planifiés dans la ville rose : lectures publiques, rencontres avec des auteurs et des éditeurs ou encore concerts.
Le Marathon programme également de grands cycles thématiques, « qui permettent au spectateur de cheminer à la rencontre ou à la découverte des grands noms et des grands textes de la littérature mondiale, faisant également une place importante à la francophonie et à la chanson française », selon le site officiel.

Comme l'on pouvait s'y attendre, le Marathon n'a pas entièrement échappé au mécontentement des intermittents : la performance littéraire très attendue de Michel Houellebecq et Jean-Louis Aubert au Théâtre National de Toulouse a été annulée.

Pour ceux qui ont lu mon article sur la Beat Generation, une lecture de la correspondance de Neal Cassady (le Dean Moriarty de Sur la route) par deux jeunes comédiens s'est déroulée le 28 juin. Je n'ai malheureusement pas pu être présente.


Je vais donc m'attacher à discuter de ce à quoi j'ai assisté, à savoir une lecture de lettres fictives de Marcel Proust par Denis Podalydès, de la Comédie Française, et le présentateur Raphaël Enthoven.
Après maintes difficultés pour entrer dans l'auditorium, me voilà assise sur le côté, parfait pour une myope ayant oublié ses lunettes.


Mais parlons de l'événement. Tout d'abord, l'excellente lecture des deux intervenants fut une agréable surprise. Evidemment, cette qualité semble indispensable pour une lecture publique, mais tout de même.
Le spectateur est immédiatement plongé dans l'univers proustien, je dirais même in media res (rappelons qu'A la recherche du temps perdu totalise 2 400 pages, il serait donc assez laborieux de tout lire, et pas forcément pertinent de traiter l'oeuvre dans l'ordre).

Si l'on n'a pas lu tout Proust (et je respecte tous ceux qui l'ont fait !), on se retrouve parachuté sans transition en plein milieu de La recherche où s'accumulent des personnages que l'on ne connaît pas forcément. Quelques "initiés" rient à certaines phrases, mais au bout de quelques minutes, cette impression de malaise, d'incompréhension se dissipe.
L'écriture de Proust semble si fluide qu'elle happe celui qui l'écoute prendre vie. Soudainement, on se sent bien. Beaucoup critiquent les phrases interminables de Proust obligeant parfois à s'y reprendre à deux fois. Mais ici, le spectateur est entraîné dans le monde épistolaire comme naturellement. La performance des intervenants joue beaucoup sur ce point, selon moi.
Et même si l'on est hors contexte, que l'auteur et ses lettres ne racontent pas des aventures palpitantes, l'heure que l'on passe à écouter les échanges piquants de la rupture du narrateur et d'Albertine, l'émouvante annonce de sa disparition, la pertinente (bien que célèbre) comparaison de Swann et du narrateur à travers deux lectures, se révèle riche et fascinante.

Je souhaite, de manière plus générale, revenir sur les personnages
de Swann et du narrateur.
Denis Podalydès et Raphaël Enthoven durant
leur performance proustienne.
Tous deux sont, comme l'affirme Raphaël Enthoven, des « artistes sans oeuvre ».
Swann est un personnage que le narrateur connaît dès son enfance. Et pourtant, il raconte son histoire, même si elle lui est antérieure, dans Un Amour de Swann.
Ce dernier écrit (ou plutôt n'écrit pas) un ouvrage sur Ver Meer, est si jaloux qu'il va lire une lettre d'Odette, son amante, à un autre homme, et ne va jamais au bout de ses actions.
Le narrateur lui ressemble, à ceci près qu'on pourrait le considérer, à l'instar de Messieurs Podalydès et Enthoven, comme une version améliorée de Swann. Lui ne lira jamais les lettres d'Albertine, bien que la tentation soit grande. Il terminera son oeuvre.
En témoigne aujourd'hui cet extraordinaire hapax (= un ovni littéraire) qu'on continue de faire vivre en le lisant, en le parlant, en l'écoutant.
La lecture du Marathon des mots semble un excellent moyen d'appréhender A la recherche du temps perdu.



Le prochain Marathon (ou du moins, son petit frère) se déroulera cet automne à Toulouse.
Toutes les informations nécessaires sont sur le site http://www.lemarathondesmots.com.




Rédigé par Iris.