Il y a deux sortes d’articles sur les Classes
Préparatoires aux Grandes Ecoles.
Ceux
qui expliquent à quel point les élèves sont en souffrance, torturés par le
travail, dans un cadre strict et stressant, et n’ont plus de vie. Ils en sont
presque à dire que si l’on ne finit pas dans un hôpital psychiatrique, on sort
de cette « fabrique à élites » complètement lobotomisés et que notre
vie se résumera pour toujours à un plan en trois parties et trois sous-parties.
La
seconde catégorie, en réponse à la première, insistera sur le gouffre entre
« prépas parisiennes » et « petites prépas », on disant
qu’on y reçoit une formation de qualité avec des professeurs présents pour
leurs élèves et que de toutes façons, la
fac c’est pas mieux, puis le nivellement par le bas blablabla.
IL EST TEMPS, chers amis, de rétablir la vérité. Arrêtons
ces mythes manichéens.
Je
suis forcée de constater que premièrement, peu de gens de moins de 35 ans
savent ce qu’est une classe préparatoire. Un jour, lorsque j’ai dit que j’étais
en khâgne-hypokhâgne, on m’a même répondu « ah, c’est une école à
Marseille, c’est bien ça ? ». CERTES, tout cette
pseudo-langue-ancienne-intellectuelle avec des « kh ^» partout (les
hypokhâgneux, les khâgneux, les khôlles, les khûbes) peut faire attirer les
préjugés. Mais en même temps, quelle est la réponse que l’on reçoit lorsque
l’on précise que l’on fait une prépa lettres ?
« Ah. » Une simple interjection que je traduirais par :
« ok donc tu fumes des joints entre deux paragraphes d’un livre de Bergson
et ta passion c’est les vieux bouquins poussiéreux. »
NON ! Le manichéisme est toujours là ! Les
classes préparatoires sont trop comme si, pas assez comme ça…
Personne ne se sent concerné. Pourtant, je suis sûre que
certains lycéens le devraient. Mais ils ne savent pas vraiment de quoi il en
retourne et choisissent une voie plus fiable, où l’on ne te dit pas « oh
la la, t’es sûr de vouloir faire ça ? Car c’est très très dur… ».
L'été précédant la prépa, selon le tumblr humoristique La vie en prépa. |
Vous voulez la vérité ? Hé bien, la vérité, c’est
que tout le monde vit la prépa différemment.
Oui, cela demande beaucoup de travail, oui, vous n’aurez
pas autant de temps libre qu’au lycée (mais ça camarades, c’est la même chose
partout, à l’université on vous laisse vous débrouiller mais c’est à vous
d’assumer), oui il y a des devoirs surveillés toutes les semaines, oui les
professeurs sont exigeants.
Tout cela n’est pas une fatalité. C’est quelque chose
auquel on s’habitue progressivement. La prépa a ses bons et ses mauvais côtés.
Pour vous donner une vision plus réelle des classes
préparatoires, je pense que rien n’est tel que le témoignages des étudiants
eux-mêmes.
J’ai choisi d’interroger des personnes très
différentes les unes des autres pour vous montrer que la prépa s’adresse à des
profils divers, et que chacun se crée vraiment sa propre expérience.
Claire, khûbe (= redoublant
sa deuxième année. Et je précise qu’en prépa redoubler est une chance et pas
une punition) en prépa littéraire :
« Sur le plan de ce qu'on apprend et de ce qu'on fait en prépa, j'ai toujours eu beaucoup de mal à me plier à la rigueur des exigences. D'un autre côté, au bout de trois ans, je réalise que cela m’a donné un cadre de pensée qui est indispensable pour construire un raisonnement - quel qu'il soit. Le principal atout, en mon sens, est la pluridisciplinarité, raison pour laquelle j'ai d'ailleurs voulu faire une prépa. »
Claire note en revanche un vrai « mauvais côté » à la prépa : c’est un cocon. Si pour elle, « sortir moins souvent n’est pas un problème puisque l’on peut se rattraper pendant les vacances », Claire pense que l’on nous assiste trop : « on s'occupe des démarches administratives pour nous, les profs sont toujours là pour nous encourager, nous aiguiller et tout nous expliquer (ce qui n'est pas un défaut en soi !) on nous pousse à tout mettre de côté pour nous concentrer sur le concours. Quand j'ai voulu faire des démarches avec la fac pour partir à l'étranger, ça s'est révélé très éprouvant parce que je ne connaissais rien au fonctionnement de la fac, et que ça m'a demandé beaucoup de temps et d'énergie quand j'aurais voulu la consacrer au concours. »
L’intensité du cursus se révèlent à la fois positive (car tous les anciens,
quel que soit leur parcours post-prépa, regrettent les cours très motivants) et
négative parce que la moindre note ou khôlle (oral) décevante nous fait nous
remettre en question.
Comment gères-tu le stress ?
« J'ai la chance de ne pas être particulièrement stressée par les épreuves écrites, le problème se pose plutôt pour l'oral où j'ai tendance à devenir très nerveuse, surtout si je prépare en temps limité. Ayant fait de la natation en compétition, j'essaie de fonctionner comme je le faisais avant chaque épreuve : me forcer à garder un certain équilibre et à limiter au maximum la montée du stress avant de passer, pour éviter que ça affecte ma performance ; cela dit, c'est encore du work in progress... »
Abordons maintenant la mythique différence entre les prépas parisiennes et les prépas de province.
Claire pense que l’on peut comparer l'ensemble de leurs classes avec le fonctionnement des khûbes dans les prépas de provinces : « tout le monde croit à l'ENS et a demandé ces prépas-là pour s'y préparer, donc les relations sont probablement davantage basées sur le travail. J'ai du mal à évaluer la rivalité dont on parle si souvent, j'imagine que ça dépend beaucoup des promos mais il y en a certainement un peu plus, cet objectif unique peut facilement créer des tensions ».
Comment gères-tu le stress ?
« J'ai la chance de ne pas être particulièrement stressée par les épreuves écrites, le problème se pose plutôt pour l'oral où j'ai tendance à devenir très nerveuse, surtout si je prépare en temps limité. Ayant fait de la natation en compétition, j'essaie de fonctionner comme je le faisais avant chaque épreuve : me forcer à garder un certain équilibre et à limiter au maximum la montée du stress avant de passer, pour éviter que ça affecte ma performance ; cela dit, c'est encore du work in progress... »
Abordons maintenant la mythique différence entre les prépas parisiennes et les prépas de province.
Claire pense que l’on peut comparer l'ensemble de leurs classes avec le fonctionnement des khûbes dans les prépas de provinces : « tout le monde croit à l'ENS et a demandé ces prépas-là pour s'y préparer, donc les relations sont probablement davantage basées sur le travail. J'ai du mal à évaluer la rivalité dont on parle si souvent, j'imagine que ça dépend beaucoup des promos mais il y en a certainement un peu plus, cet objectif unique peut facilement créer des tensions ».
Bilan de Claire ? Positif. Malgré des difficultés sur le plan
psychologique lors de sa première khâgne, qui ont affecté ses notes, elle
explique que « c'est aussi là que
l'entraide et le soutien qu'on ressentait déjà en hypokhâgne se sont trouvés
confirmés, et grâce à tous ceux qui m'ont poussés à relever la tête, je n'ai
jamais regretté ma décision de khûber même si les premières semaines sont un
peu déstabilisantes. » Selon elle, faire une troisième année lui a
permis d’exploiter ses capacités de travail à fond et de « boucler la boucle ». Il est
maintenant temps de passer à autre chose !
Elise, en
khâgne :
Pour Elise, la prépa donne la chance de rencontrer des
personnes très intéressantes, d’autant plus qu’on pourra travailler en groupe.
On y acquiert une culture riche. La prépa est un atout non négligeable sur un
CV, elle permet d’accéder aux grandes écoles, et surtout « de se dépasser et d'être fier de soi à la
fin. » C’est un très bon entraînement pour tout ce qui peut nous
attendre : charge de travail, oral, regard et jugement des professeurs, échec,
système classe.
Cependant, « la
prépa reste un peu élitiste, les professeurs sont détournés de la réalité de
l'étudiant, et certains élèves sont préférés à d’autres ».
En ce qui concerne le stress, il est pour Elise différent
selon les matières, mais souvent bénéfique. Même si ça n’a pas toujours été
facile, il n’a jamais été question de « souffrance psychologique »
(le genre d’expression que l’on retrouve dans des articles du Monde).
Roman, en Maths Sup :
Le meilleur côté de cette formation est pour Roman l'apport de vraies méthodes de travail : « on apprend à travailler efficacement, notamment en jugeant de l'essentiel, voire à apprécier les fruits d'un travail effectué dans une forme d'austérité ».
La prépa permet de s'enrichir sur le plan relationnel puisque tout le monde partage non seulement cette situation, mais aussi des points communs. Si Roman juge son lycée « un peu sectaire », il remarque tout de même une bonne cohésion à travers les jeux organisés entre les classes.
Mais il tient à nuancer : « Une certaine souffrance reste présente, puisque tout cela passe par une remise en question permanente qui engendre de longues périodes de doute ».
Marie, en khâgne :
« En
prépa, on apprend des tas de choses. Passionnantes, parfois moins, mais avec le
recul on se dit que c’est incroyable, tout ce qu’on a pu ingurgiter comme
connaissances. Cela permet d’acquérir un esprit ouvert. On nous apprend tellement
bien que je peux même vous parler de nombreux classiques de la littérature
française sans les avoir lus ! »
On rencontre des gens qui ont les mêmes intérêts
que nous, et les profs sont globalement bons. Les relations avec eux sont
parfois très enrichissantes. L’entraînement à la dissertation permet également
d’avoir une certaine capacité d’analyse et de sens critique, et on est fier
lorsqu’on réussit.
Cependant, la prépa prend énormément de temps :
« c’est une sorte de bulle où l’on
travaille, travaille et travaille même si évidemment on peut avoir quelques
moments de détente. Ce que je vais dire ne s’applique à divers degrés, mais la
prépa fait perdre confiance en soi (à moins d’être un ovni/génie) lorsque l’on
a une mauvaise note ou autre. Le problème c’est que cela peut s’étendre à des
domaines hors-prépa si l’on est un peu fragile.»
Marie souligne également que même si on nous
parle de l’ENS comme du Saint Graal, peu de choses nous sont dites à propos de
notre avenir. « On nous fait
vaguement miroiter les grandes écoles qui nous sont accessibles par la Banque d’Epreuves
Littéraires, mais qui sont en réalité réservées aux admissibles (qui sont majoritairement
des khûbes) et aux très bons sous-admissibles, alors que trois-quarts de la
prépa se retrouvera en fac ! »
Comment gères-tu le stress ?
Le stress à « court terme » (avant un
oral par exemple) est pour Marie souvent positif, cela lui permet d’être encore
plus convaincante.
Pour gérer le stress du « long-terme »,
elle essaie de bien travailler pour s’accorder quelques moments de tranquillité
avec ses proches par la suite. Le soutien, un peu des personnes de la prépa
pour réaliser qu’on vit tous la même chose, mais surtout des personnes
hors-prépa (évitant les jalousies et permettant de sortir de la « bulle »)
est indispensable.
Marie essaie de contenir le stress un maximum,
mais évidemment, au bout d’un moment, cela explose. « Cette année, j’ai tellement essayé de retarder l’échéance que j’en ai
été malade deux semaines avant le concours. » En prépa, il y a des
hauts et des bas, des moments où on gère, d’autres où on fait des crises de
larmes tous les soirs. « Je
pense qu’il faut relativiser, se dire que notre vie ne dépend en rien de la
prépa (ce qui en soit est vrai), mais parfois le mental ou le corps lâche et c’est
difficile d’y remédier. »
Bilan ? Plutôt
positif mais elle se réjouit que cela soit fini : « je me suis mis beaucoup de pression, alors même que je ne
réussissais pas trop mal, et cette perte de confiance empoisonne un peu la vie.
Mais j’ai vraiment l’impression d’avoir évolué dans ma façon de réfléchir, dans
mes intérêts, et de sortir grandie de ces deux années très intenses ».
BREF, vous l'avez compris, la prépa c'est parfois difficile à vivre sur le moment, mais c'est bien avec le recul... et surtout, chaque expérience est différente !
Si vous avez des questions ou des remarques, n'hésitez pas !
Rédigé par Iris.
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